Pour le coach, la supervision est une nécessité absolue,
soulignée par tous les codes de déontologie des associations
professionnelles. L’enjeu n’est pas seulement de « coacher le
coach », comme il est parfois indiqué dans certains ouvrages. Il s’agit d’aider
celui-ci à surmonter les obstacles qu’il rencontre, personnels
ou professionnels. Il doit s’y ajouter une dimension didactique, une
dimension déontologique, et éventuellement une dimension éthique. La supervision comporte donc différents
aspects, que nous aborderons successivement.
Identifier l’obstacle. Le
coach peut rencontrer une difficulté dans l’exercice de son activité, ou avec
l’un de ses clients en particulier. En général, la pensée, les émotions ou les
mouvements affectifs sont bloqués, ce qui suspend la relation d’accompagnement et empêche le changement du
coaché d’intervenir. L’objet de la supervision est alors d’identifier
l’obstacle, de le détruire ou de le contourner.
Exemples
Julien a du
mal à supporter ce jeune cadre arrogant à qui tout réussit. Ayant lui-même
échoué dans une entreprise, il étouffe d’envie et son désir secret est que son
client morde la poussière.
Marie éprouve
une grande jubilation à être devenue la référence de son client qui la consulte pour un oui
ou pour un non. Elle se rend compte que cette relation est contraire à la
déontologie, mais ne sait comment la
faire cesser.
Auguste ne
sait plus quoi faire avec son client qui le manipule et
l’instrumentalise. Il comprend que quelque chose doit changer mais il est
fasciné, comme par un serpent.
Mélanie est
tombée sur une personne qui, en fin de compte, n’a envie de rien. Le coaching
avait été prescrit par la DRH qui voyait là une dernière chance pour cet
employé.
Anne vit un
conflit de loyauté entre un coaché et un prescripteur qui lui font chacun
confiance, mais qui ont des objectifs inconciliables.
Selon la référence théorique du
superviseur, il s’agit alors de comprendre les phénomènes transférentiels
(psychanalyse, théories humanistes), ou d’analyser les « patterns »
ou le style relationnel (systémie, cognitivisme) qui bloquent la progression
du processus. Cette analyse peut se faire de professionnel à professionnel, en
co-construction, sur la base d’un savoir partagé entre le coach et le superviseur.
Idéalement celui-ci doit aussi maîtriser les mécanismes interpersonnels liés à
la différence culturelle.
Maîtriser les techniques. La
supervision peut également concerner
l’analyse des pratiques, et faire émerger les difficultés techniques
rencontrées par le coach. L’analyse des situations doit conduire à leur
compréhension, et non à une interrogation sur les limites de la pratique
professionnelle : comme il est toujours bon d’apprendre des erreurs
commises, la supervision a un prolongement didactique,
et le superviseur peut juger judicieux de faire le point sur les concepts et
sur les méthodes. Le superviseur se trouve alors placé en situation de sage qui
doit délivrer une sorte d’oracle. Mais si la position de tiers lui permet
effectivement de jeter un regard neutre sur les aspects formels du processus,
il ne faut pas oublier que les méthodes ne remplacent en rien la personne du
coach qui demeure le principal moteur du processus.
Développer l’identité de coach.
La supervision en arrive dans certains cas à
prendre la forme d’un véritable coaching visant, par exemple, à développer chez
le coach la confiance en soi. Le superviseur se trouve alors en position de
coach de coach. Cependant, le travail sur soi auprès d’un thérapeute est aussi
supposé permettre de développer cette qualité ; la question de la
frontière entre travail personnel et supervision reste ouverte, bien
qu’idéalement il vaille mieux séparer les deux.
Questionner la déontologie et l’éthique. Ces deux notions
sont souvent confondues en raison d’une formation insuffisante. Selon le
Conseil canadien d’agrément des services de Santé, l’éthique est composée de normes de
conduite moralement acceptables que le rapport Belmont de 1978 précise :
consentement éclairé des personnes, accès au savoir de l’intervenant, respect.
Autrement dit, il s’agit de reconnaître l’autonomie des personnes et de
protéger ceux qui, compte tenu de leur personnalité ou leur situation, ne
peuvent être autonomes. La déontologie, quant à elle, est l’ensemble des règles
régissant l’exercice du métier.
Les psychologues, qui suivent une
unité d’enseignement (25 heures de cours plus un examen) sur la déontologie en DESS ou sur l’éthique en DEA, ont une compréhension
active de leurs responsabilités. Dans le cas du coach, c’est le superviseur qui
tient lieu de garde-fou.
Le cadre de
la supervision
La supervision peut se faire sous une forme
individuelle ou groupale. Bien entendu, pour qu’il y ait supervision il faut un superviseur,
c’est-à-dire un regard extérieur neutre. Il est abusif de croire que
l’on peut se superviser mutuellement entre pairs, surtout en groupe, d’autant
plus si ce groupe comporte un plus grand nombre de participants. Un groupe est
en effet très dominateur et normatif et peut devenir un dictateur impitoyable.
Ce travail entre pairs (groupes de pairs) est toutefois très utile pour
comparer les pratiques, les expériences et partager les problèmes.
Une autre question fréquemment posée
par les coachs débutants est celle de la fréquence des entretiens de supervision. À un extrême du spectre,
certains superviseurs acceptent de voir le coach à la demande, tandis qu’à
l’autre extrême le cadre de la supervision est très strict, en termes de
fréquence, d’horaire et de durée. Un cadre rigide correspond à la conception
psychanalytique selon laquelle le transfert s’établit d’autant mieux que
le cadre, métaphore de la Loi Fondamentale, est respecté. Un arrangement plus
souple correspond à la perspective humaniste, offrant à chacun la
« liberté d’être ». La réalité (les exigences des clients) fait que
le respect d’un cadre est parfois difficile pour le superviseur ou le coach. En
conséquence, le contrat entre les deux acteurs doit tenir compte de cette
contrainte, mais s’efforcer de respecter une régularité temporelle et spatiale.
Les qualités
d’un superviseur de coach
Comme nous l’avons souligné plus
haut, la position de superviseur est difficile à tenir : elle demande une
éthique parfaite, un sens clinique
aigu, un travail sur soi-même approfondi, une expérience de l’entreprise, la
maîtrise de tous les concepts et techniques du coaching, et une compréhension
des mécanismes interculturels. Où diable trouver ce mouton à cinq pattes ?
Les groupes professionnels voient
souvent le superviseur de coach comme un de leurs pairs, dont le rôle est
l’analyse des pratiques par rapport aux canons de leur groupement. Les
entreprises qui ont leur propre département de coaching voient le superviseur
au service de leur culture. Pourtant, l’expérience de superviseur montre que la
principale qualité attendue est précisément l’indépendance par rapport
au groupe d’appartenance du coach (société de coachs, entreprise, etc.) ;
cette indépendance permet de travailler sur les véritables problèmes et non sur
des aspects normatifs issus de ce groupe. En second lieu intervient ce que le
coach attend de son superviseur : un regard de sage, le partage des préoccupations,
un recadrage ou un garant des limites.
Choisir un superviseur exige donc une
réflexion personnelle sur le sens donné au métier. C’est donc une décision
difficile.
La supervision du coach d’équipe
Elle est encore plus indispensable
en coaching d’équipe qu’en coaching individuel. En effet, même s’il intervient
le plus souvent en tandem, le coach d’équipe est confronté à la complexité et à
la violence des projections psychologiques, des transferts et des manipulations
diverses habituellement constatés dans une équipe en phase de changement. Si
cette confrontation n’a pas lieu, ou se déroule sur un mode mineur, c’est sans
doute que le coaching n’est pas abouti et que l’équipe a « réussi » à
utiliser son coach afin de ne pas changer !
La supervision se présente sous trois formes complémentaires : des
entretiens individuels entre le coach d’équipe et son superviseur, des ateliers
de supervision en groupe et la présence du superviseur observant le coach
d’équipe en situation opérationnelle.
– Les entretiens
individuels avec son superviseur permettent notamment au coach d’équipe de
travailler sa posture face au groupe et de traiter les cas de relations
difficiles avec certains équipiers. Le transfert du client sur le coach peut,
par exemple, activer chez ce dernier une zone d’ombre non encore suffisamment
nettoyée. Si nécessaire, le superviseur apporte aussi sa compétence commerciale
pour repositionner économiquement les interventions du coach d’équipe.
– Les ateliers de supervision en groupe prennent
soit la forme de groupes d’échanges de pratique des coachs d’équipes
entre eux – chacun apportant ses propres cas qu’il soumet au feed back des
autres –, soit la forme d’études de cas animés par un superviseur
professionnel. Outre la remise en cause technique de la pratique de chacun et
la confrontation des comportements individuels et collectifs, ces ateliers
permettent de partager une situation de vie de groupe utilisée en direct pour
favoriser la prise de conscience des processus internes à l’équipe et de la
posture du coach d’équipe. Ce type de supervision accélère aussi la formation
et la montée en puissance d’un coach d’équipe débutant. Dans ces ateliers, sont
également traitées les questions déontologiques éventuelles.
– La participation du
superviseur en situation opérationnelle est plus délicate à organiser. Elle
nécessite notamment l’accord préalable du client. Cette forme de supervision
est néanmoins indispensable pour affiner la posture du coach d’équipe à partir
des observations directes du superviseur. Le contexte opérationnel est analogue
à celui de la supervision par le coach d’équipe des réunions de travail
habituelles de l’équipe (voir chapitre 2). Le débriefing est bien entendu
réalisé en privé, en dehors de l’équipe.
La supervision au niveau international : Accréditation des superviseurs
A l’occasion de l’annonce le 9 septembre de la disponibilité
générale de l’ESQA par l’EMCC (European Supervision Quality Award, accréditation
des formations de superviseurs de coachs) il nous semble opportun de
prendre un peu de recul sur ce qui concerne la supervision des coachs. En
effet, comme nous le verrons plus loin, une autre importante association
internationale a choisi la même date pour annoncer son accréditation de
superviseur de coachs. Comme une troisième l’avait déjà fait en avril dernier,
2013 se présente comme une année clef pour la supervision des coachs.
Sur le marché du coaching tout commence voici environ trois
ans lorsque plusieurs recherches et enquêtes menées en Grande Bretagne, en
Autralie, en Italie, en Afrique du Sud, etc.. montrent que le superviseur a un
impact significatif (positif ou négatif) sur le déroulement du coaching. Bien
sûr les grandes entreprises se sont intéressées à ces données et commencent à
considérer que la responsabilité du superviseur est tout aussi engagée que
celle du coach. La tendance consistant à engager la responsabilité du superviseur
existe d’ailleurs depuis longtemps au Canada dans les métiers de
l’accompagnement. L’Association for Coaching (AC, environ 4000 membres) qui est
sur le point d’annoncer son modèle d’accréditation des superviseurs (voir plus
loin) indique :
“The
coaching market has developed such that there is a need for coaches to prove
the quality and value of the supervision of their practice to buyers of their
services, both individuals and organisations.”
Les réflexions relatives à l’accréditation des formations de
superviseurs et l’accréditation des superviseurs de coachs ont été menées en
Grande Bretagne à partir de 2007 par l’EMCC (European Mentoring and Coaching
Council) avec d’autres associations internationales de coachs, en particulier
l’AC (Association for Coaching), et l’APECS (Association for Professional
Executive Coaching & Supervision), et chacune a développé sa propre
stratégie sur le sujet. L’ICF a participé aux discussions.
Le premier élément de ces stratégies est la définition de compétences
spécifiques du superviseur par rapport à celles du coach. L’EMCC a établi 7
compétences pour le superviseur en complément de ses 8 compétences du coach.
L’AC en a défini 9 en complément des 9 compétences du coach et des 3 de l’executive
coach. L’APECS n’a pas créé de compétences spécifiques mais des guidelines très
strictes détaillées pour l’accréditation des superviseurs. L’ICF n’a pas défini
de compétences spécifiques pour le superviseur, les 11 compétences du coach
étant jugées suffisantes. A noter qu’un groupe de travail international mixte
ICF-EMCC a comparé en 2012 les compétences de coach de ces deux associations.
Il y a bien entendu quelques différences de part et d’autre mais surtout de
grandes similitudes. Les compétences de superviseur sont, elles, très
différentes de celles du coach.
Le deuxième élément de la stratégie est l’accréditation
des formations de superviseurs pour laquelle seule l’EMCC a développé un
modèle d’accréditation spécifiquement dédié : l’ESQA qui a jusqu’ici été
attribué à 7 centres de formation en Europe, dont un en France : Undici
International.
L’ICF a une accréditation des formations de coachs, l’ACTP
et, dans un document intitulé « ICF position regarding supervision »
la question de la formation des superviseurs est abordée comme suit :
« Another common misconception is that coaching supervision is just
very high coaching ability and that no additional training/experience is
required to serve as a supervisor. The awareness that specialized training is needed is gaining interest
but not yet fully embraced by all wishing to serve in this role. (Please note
that at present there are five ICF approved programs that specifically focus on
the training of supervisors and others that integrate supervision training as a
part of their curriculum. Also note that other organizations such as EMCC are
working to recognize training and competency in this area.) Identifying the
unique qualifications, traits, and skills of a coaching supervisor and defining
how to train coaches to serve in this role will be important in clarifying this
misconception”. A
noter qu’il est difficile de trouver la liste des “approved programs” pour la
supervision sur le site de l’ICF.
Rappelons que l’accréditation des programmes de formation
des coachs et des formations de superviseurs a pour objet d’en reconnaitre la
qualité et de garantir le professionnalisme des coachs ou superviseurs.
Dans le cas des associations Européennes s’ajoute le souci de se conformer aux
critères établis par l’Union Européenne dans le processus de Bologne et définis
par les standards internationaux pour l’éducation supérieure (European
Qualification Framework - EQF).
Le troisième et dernier élément de stratégie concerne l’accréditation
individuelle des superviseurs de coachs pour laquelle la situation est la
suivante :
-
L’APECS est une association qui ne s’intéresse
qu’aux coachs de dirigeants de très haut niveau. Elle assemble un peu plus de
130 membres essentiellement en Grande Bretagne et tous accrédités. Elle a
annoncé une accréditation individuelle de superviseurs de coachs de dirigeants
à un seul niveau en mars 2013. Les critères d’attribution sont assez ouverts et
incluent « diverse routes and training and development that
applicant will have ». Toutefois, les conditions minimum incluent tout
de même une formation à la supervision, une expérience de coaching en
entreprise, une expérience de la supervision de coachs en entreprise, une
formation continue sur la supervision et une contribution à la profession de
superviseur. Un point original qui résulte sans aucun doute des recherches et
enquêtes faites sur la supervision ainsi que des dispositions prises par
certaines entreprises est la souscription obligatoire par le superviseur
accrédité à une assurance spécifique à l’activité de superviseur et couvrant un
risque d’un million de livres sterling.
-
L’AC (Association for Coaching) qui a environ
4000 membres a annoncé le 9 septembre une accréditation de superviseur de coachs
suite à un pilote mené en 2012. Comme indiqué plus haut l’AC a en commun avec
l’EMCC de définir des compétences spécifiques à l’activité de supervision. Ces
compétences sont significativement différentes de celles du coach et très
voisines de celles de l’EMCC.
-
L’EMCC a mis en place un groupe de travail
international dirigé par Michel Moral qui a pour objectif d’être en mesure de
proposer un système d’accréditation individuelle des superviseurs en fin
d’année. Sa structure ressemblera à celle de l’EIA (European Individual
Accreditation, accréditation individuelle des coachs proposée par l’EMCC) et,
comme pour ce dernier, la procédure sera plus simple pour les candidats qui
auront suivi une formation bénéficiant de l’ESQA.
-
L’ICF n’a pas de processus d’accréditation des
superviseurs mais dans le document cité plus haut intitulé « ICF
position regarding supervision » il est précisé quelques « Suggested
qualifications for those serving as coaching supervisors ».
En fin de compte, en vue de répondre aux demandes du marché
les associations internationales empruntent deux directions : pour les
unes (EMCC, APECS et AC) il est indispensable de construire un système cohérent
et précis d’accréditation des superviseurs, tandis que pour les autres (ICF
mais aussi des associations qui ont entamé leur internationalisation comme
SGCP) le superviseur est avant tout un coach praticien senior.
L’avenir nous dira comment tout cela se conjuguera. Les
travaux de l’alliance GCMA (Global Coaching & Mentoring Alliance) qui assemble
depuis novembre 2012 l’EMCC, l’ICF et l’AC portent en particulier sur la
supervision. Par ailleurs, la conférence internationale annuelle sur la
supervision des coachs organisée par l’Université d’Oxford-Brookes permet de
discuter entre superviseurs de toutes associations et en provenance du monde
entier.
La supervision au niveau international : Conférences internationales
Objet : Nouvelles de la troisième
conférence internationale sur la supervision des coachs organisée par
l'Université Oxford-Brookes le 20 juin 2013
Ce mail pour vous tenir informé de ce qui s’est passé durant
la troisième conférence internationale sur la supervision des coachs. Un bon cru…
Celle-ci s’est déroulée le jeudi 20 juin 2013 à l’Université
Oxford-Brookes avec des représentants de la Grande Bretagne, de
l’Irlande, de la France, des USA, de l’Australie, de la Pologne, de
l’Allemagne, de Singapour et de Hong-Kong. L’intérêt des pays asiatiques pour
la supervision des coachs est nouveau et correspond à une évolution du marché
que nous examinerons plus loin. Pour ce qui est de la France, Florence Lamy et
moi-même venions présenter un outil pour original pour formation des superviseurs.
Le seul autre Français était Gilles Dufour, Président de PSF (Professional
Supervisors Federation).
Au niveau des associations de coachs, il y avait des
représentants de l’EMCC (5000 membres), de l’APECS (Association for
Professional Executive Coaching and Supervision),de l’AC (Association for
Coaching, 4000 membres) et de SGCP (Special Group in Coaching Psychology, une
association internationale de coachs diplômés en psychologie) . S’il y avait
des représentants de l’ICF nous ne les avons pas repérés dans la foule :
s’il étaient là ce n’était pas ceux que l’on voyait d’habitude. Plusieurs
écoles internationales de formation de superviseurs de coachs étaient présentes
(Bath (UK), CSA (UK), Oxford Brookes University (UK), CST (UK), Sydney University
(AUS) Undici International (FR), etc…).
Nous ne détaillerons pas ici les diverses interventions
(keynotes ou breakout sessions, 17 en tout) dont les présentations sont
disponibles sur le site de la conférence. Elles étaient courtes (45 minutes),
d’un haut niveau et divisées en trois catégories :
-
Description d’outils pour la supervision ou la
formation de superviseur, démonstrations
-
Recherches et considérations théoriques
-
Analyse du marché présent ou à venir,
considérations sur les professions de coach et de superviseur de coachs
A - Pour ce qui est des outils et des méthodes, la
conférence est le lieu où « se nourrir en idées nouvelles pour l’année à
venir ». Deux tendances : le glissement vers plus de systémie (les
pays anglo-saxons sont moins avancés que la France et la Belgique en ce
domaine) et l’apparition d’outils de supervision à distance ou en réalité
virtuelle (là, ils sont très très en avance). La supervision
« multidimentionnelle » (intrapsychique, interindividuelle et
systémique) continue à se développer vivement avec une forte attention sur la
facette systémique. A noter que je vous écrivais l’an dernier à propos de la
deuxième conférence : « il apparaît assez clairement que
l’intégration entre intra-individuel, interindividuel et systémique a le vent
en poupe. ». Eh bien, le vent forcit.
Michael Cavanagh qui est professeur à l’Université de Sydney
a d’ailleurs insisté sur la nécessité d’incorporer les domaines systémiques de
la complexité et du chaos dans la perspective développementale de la supervision.
Diverses techniques ont été discutées. Super intéressant et novateur.
Michael Caroll, qui est professeur à l’Université de
Bristol, est intervenu sur le thème des valeurs et de l’éthique, thème qui est
revenu plusieurs fois sur la table au cours de la conférence. En effet, les
grandes entreprises sont de plus en plus soucieuses de la maturité éthique et
déontologique des coachs qu’elles utilisent. Or ces sujet ne sont pas toujours
traités en profondeur dans les formations de coaching, faute de temps. Ces
entreprises comptent donc sur les superviseurs qui sont bien formés
(espèrent-elles) sur ces domaines. Plusieurs exemples ont été cités
d’entreprises internationales qui commencent à poser des dilemmes éthiques et
des problèmes déontologiques pointus lors de la sélection des coachs.
B - Au niveau des recherches les travaux sont plus
nombreux d’année en année. S’ils sont majoritairement issus de Grande Bretagne
et d’Australie, les USA s’y investissent vigoureusement et l’Asie aussi veut
prendre sa place. A noter que je vous écrivais l’an dernier : « Les
USA ne participent que peu à la réflexion commune ». Les temps
changent vite.
Les sujets de recherche actuels portent essentiellement sur
ce qui se passe au cours de la supervision et sur l’impact réel de la
supervision sur le coach et sur le système client (coaché et organisation).
L’an dernier, je vous écrivais : « l’impact sur
le coach et son client (au sens large) n’est que peu abordé dans les
recherches. Si les effets négatifs font l’objet de quelques études (avec
pour sous-produit des réflexions sur la responsabilité du superviseur par
rapport à celle du coach), les effets positifs sur la pratique du coach, sur
son client et sur les autres acteurs (équipe, entreprise,..) ne sont encore que
peu évalués. ». Il y a donc un changement majeur là aussi. Même chose
pour les méthodes de recherche qui passent de l’étude de cas à des approches
résolument quantitatives (par exemple celle d’Eric de Haan ou celle d’Adrien
Myers). Cette mutation tient au fait que le sujet de la supervision des coachs
entre dans une phase de maturité mais surtout que les clients exigent de plus
en plus des garanties quant à la validité des méthodes employées par les
superviseurs.
Pour ceux qui aiment la recherche, la supervision des coachs
est donc un champ ouvert, à fort enjeu, encore peu investi et riche en
opportunités pour les « explorateurs ».
C- Quant aux marchés du coaching et de la
supervision, l’évolution de chacun et du lien entre les deux est
significative.
Tout d’abord, une enquête européenne
montre que si 88% des coachs disent que la supervision est importante,
seulement 44% d’entre eux en ont établi une pour eux-même. Pour les coachs
internes la proportion tombe à 23%... Pourtant de plus en plus
d’entreprises s’intéressent à la supervision des coachs qu’elles emploient et
veulent s’assurer des compétences réelles des superviseurs qui suivent ces
coachs. D’où un intérêt croissant pour la formation des superviseurs et leur
accréditation. Sur ce sujet la situation est que l’EMCC a conçu une
accréditation des formations de superviseurs (ESQA) qui a donné lieu à un
pilote (7 écoles accréditées dont une en France) et qui sera proposée sous peu
au marché. L’AC et l’APECS ont conçu une accréditation des superviseurs et
l’EMCC en conçoit une qui sera disponible en fin d’année. La position des
autres associations n’a pas été évoquée.
Ce qui est vraiment nouveau est que l’Asie et les USA
expriment une ferme intention d’organiser la profession de superviseur de
coachs. L’Australie dispose déjà de plusieurs écoles, les USA lancent la
première en automne et les représentants de Hong-Kong et Singapour ne cachaient
pas qu’ils venaient faire leur marché de spécialistes de la supervision à Oxford-Brookes
pour les assister dans la mise en place de leurs écoles de superviseurs.
Plusieurs interventions ont souligné l’interaction et la
synergie entre le développement des concepts en coaching et ceux de la
supervision. En particulier Peter Hawkins a montré comment le coaching devient
de plus en plus un élément de la stratégie globale de l’entreprise et a cité de
nombreux exemples de sociétés qui intègrent la supervision des coachs dans leur
réflexion sur la mise en place d’une infrastructure de coaching et d’un
alignement avec la culture d’entreprise et la vision. Les coachs du futur
devront s’élever d’un cran dans les niveaux logiques et seule la supervision
pourra les y aider, tout comme le coaching permet aux dirigeants de s’élever
d’un cran dans les niveaux logiques pour faire face aux défis actuels
(complexité, etc…).
Quant aux associations de superviseurs de coachs, elles en
sont au stade de la germination qui précède celle de la clusterisation :
la nécessité de séparer la profession des superviseurs de coachs de celle des
coachs a fait l’objet de « discussions lors des pauses ».
Par contre l’idée de séparer la profession de superviseurs de coachs de celle
des superviseurs de thérapeutes domine en raison des spécificités du métier de
coach. Les associations de superviseurs de coachs actuelles commencent à
discuter entre elles et à discuter de leurs liens avec les associations de
coachs qui elles-mêmes ont parfois la supervision dans leur champ. Vaste
programme…
Pour sûr les années à venir seront passionnantes….
Objet : Deuxième conférence internationale sur la
supervision des coachs tenue à l'Université Oxford Brookes le 23 juillet 2012
Ce mail pour vous tenir informé de ce qui s’est passé durant
la deuxième conférence internationale sur la supervision des coachs. Celle-ci
s’est déroulée le samedi 23 juin 2012 à l’Université Oxford-Brookes avec des
représentants de la Grande Bretagne, de l’Irlande, de la France, des USA, de
l’Australie, de l’Italie et de la Pologne. Au niveau des associations de
coachs, il y avait des représentants de l’EMCC, de l’ICF et de l’AC
(Association for Coaching). Florence Lamy et moi-même y avons présenté une
recherche intitulée « Symbolism and inclusion in supervision » relative
au développment de l’identitié professionnelle de coach au long d’une
supervision collective en utilisant des outils projectifs.
Nous ne détaillerons pas ici les diverses interventions dont
les présentations seront disponibles sous peu sur le site de la conférence ( http://business.brookes.ac.uk/commercial/coaching-mentoring/coaching-supervision-conference/
). Elles sont pour la plupart d’un niveau élevé tant au niveau du contenu que
des questions qu’elles ont suscité.
Ce qui est intéressant, nous semble-t-il, est ce qui ressort
de cette seconde conférence quant à l’état de l’art et sur les tendances qui se
dessinent dans cette profession ainsi qu’au sein de la profession de coach.
Tout d’abord, la recherche sur la supervision des coachs
entre dans une phase plus active avec une vingtaine de thèses de doctorat en
cours et de nombreuses contributions de bonne tenue. Cependant, l’essentiel de
ces travaux provient de Grande Bretagne et d’Australie. L’Afrique du Sud
contribue un peu car il y existe un noyau universitaire actif sur le coaching
et, bien sûr, l’Université de Sydney a un rôle moteur sur le sujet. Les USA ne
participent que peu à la réflexion commune.
Les sujets de recherche portent essentiellement sur les
modèles et les méthodes tandis que l’impact sur le coach et son client (au sens
large) n’est que peu abordé. Si les effets négatifs font l’objet de
quelques études (avec pour sous-produit des réflexions sur la responsabilité du
superviseur par rapport à celle du coach), les effets positifs sur la pratique
du coach, sur son client et sur les autres acteurs (équipe, entreprise,..) ne
sont encore que peu évalués.
Cet état de fait a pour conséquence que l’exigence d’une
supervision du coach ne fait pas encore partie des demandes des entreprises et,
si cette demande existe, il est rarissime que la compétence du superviseur
mentionné par le coach soit vérifiée.
Dans les pays Anglo-Saxons, la plupart des superviseurs sont
formés. Il existe par exemple une vingtaine de formation de superviseurs en
Grande Bretagne avec des cycles qui représentent parfois une année
universitaire de niveau master 1 ou 2. Il en existe deux en France.
Une autre voie afin de qualifier la qualité d’un superviseur
est évidemment l’accréditation qui, pour l’instant, est délivrée par les
formations de superviseurs mais pourrait, d’ici un ou deux ans, être délivrée
par les grandes associations de coachs qui travaillent sur ce sujet.
Un autre frein au développement de la supervision provient
du fait que les coachs proviennent de moins en moins du monde de la thérapie et
de plus en plus du monde de l’entreprise où la notion de supervision est peu
familière.
Certaines des interventions ont souligné l’interaction entre
le développement des concepts en coaching et ceux de la supervision. Ainsi, les
entreprises les plus avancées en matière de coaching passent d’un usage
« désordonné », « selon les besoins » et seulement orienté
vers le développement du leadership, à la mise en place d’une stratégie de
coaching, d’une infrastructure de coaching et d’un alignement avec la culture
d’entreprise et la vision. Dans un tel contexte, la supervision devient elle
aussi l’objet d’une réflexion et d’une intégration dans la stratégie globale de
l’entreprise.
Et les méthodes ? il est mentionné plus haut qu’elles
font l’objet de la plupart des recherches, alors qu’en est-il des
tendances ? Au niveau théorique et technique, il apparaît assez clairement
que l’intégration entre intra-individuel, interindividuel et systémique a le
vent en poupe. La réflexion quant aux limites intérieures du superviseur et
leurs effets sur le processus constitue aussi une grande question. Il semble
toutefois que la supervision des superviseurs ne soit pas la solution. Diverses
autres approches ont ainsi été proposées au niveau de la supervision collective
afin de trouver une réponse satisfaisante à cette question. Bref, il est
difficile de rendre compte ici du foisonnement des idées brassées au cours de
la conférence.
Dans cet effort, devenu international, pour clarifier les
tenants et aboutissants de la profession émergente de superviseur de coachs
notre contribution est d’offrir des formations de qualité dont nous offrons
deux exemples ci-dessous.
Florence Lamy et Michel Moral
Objet : Première conférence internationale sur la
supervision des coachs tenue à l'Université Oxford Brookes le 23 juillet 2011
Cette conférence tenue à Oxford le premier juillet 2011 a
rassemblé un peu plus de 80 personnes (superviseurs pour la plupart ou en voie
de le devenir) venues principalement de Grande Bretagne, des USA et
d’Australie. J’étais le seul Français.
Le premier « keynote » était assuré par Peter
Hawkins, coach très connu en UK et auteur de plusieurs livres, qui a insisté
sur cinq défis :
-
Les « performances attendues de la
supervision
-
La supervision des coachs internes
-
L’irruption du coaching d’équipe qui modifie les
approches
-
L’internationalisation de la supervision du
coaching
-
La formation des superviseurs qui doit
prendre en compte ce qui précède.
Le second « keynote » était mené par Antony Grant
qui est professeur à l’Université de Sydney et qui a présenté une enquête menée
auprès de 182 coachs Australien sur la supervision. Disons pour résumer qu’il y
a plus d’intervision que de supervision mais que les coachs Australiens sont
plus intéressés par la supervision que les coachs Américains.
Hors des keynotes, les travaux en petits groupes étaient
articulés selon trois logiques : les concepts de la supervision, les
modèles de pratiques et des démonstrations. J’ai moi-même présenté les
résultats de mes recherches sur la supervision des équipes de coachs
travaillant ensemble sur une mission de coaching d’organisation.
Une grande place était laissée aux différentes approches
théoriques. Dans le monde Anglo-Saxon, la supervision est affaire de personnes
ayant fait de la recherche, ayant été formés à la supervision ou étant formateurs
de superviseurs (15 docteurs ou professeurs d’Université sur 80 personnes
présentes à la conférence).
D’intéressantes interventions sur la supervision des coachs
internes, la supervision des managers coachs ou la supervision des consultants
qui utilisent des techniques de coaching.
A noter qu’Antony Grant est un super orateur qui émaille son
discours d’une plaisanterie désopilante toute les 30 secondes tout en délivrant
des messages d’une grande profondeur. Un nom à retenir.